La tribu Tiendanite
Nous avons décidé de passer deux nuits en tribu, et pour ça, le mieux est de traverser la Calédonie d'ouest en est pour rejoindre Hienghène.
En traversant, nous changeons aussi de monde. Auparavant, dans chaque village, nous trouvions tout ce dont nous avions besoin. Là, il faut parfois faire plusieurs km pour aller au village voisin.
L'office du tourisme nous a réservé deux nuits chez Charline dans le village de Tiendanite. A notre arrivée, elle nous indique comment aller jusqu'à la tribu située à 20 km dans une vallée. Nous prenons donc un chemin de brousse parfois un peu chaotique. Tout au long du chemin, nous croisons quelques Kanaks, qui tous nous font signe. C'est une habitude ici de se saluer, même si l'on ne se connait pas.
Arrivé chez Charline, elle nous indique d'aller voir Félix pour la coutume. La coutume, c'est un peu comme lorsque vous amenez une bouteille ou un bouquet chez des amis. En tribu, c'est une manière d'établir une relation "privilégiée" avec ces personnes que vous ne connaissez pas. Nous avons amené un bout de tissu, appelé "Manu" et un billet de 500 Francs Pacifique. Je me présente à Félix en lui tendant nos présents, lui indique que nous logeons chez Charline, lui présente ma famille et le remercie de nous accueillir dans sa tribu.
Félix est un vieux monsieur, à l'air triste. Il reste très marqué par des évènements qui sont arrivés dans sa tribu en 1984 : 10 hommes de la tribu ( la moitié des hommes du village), indépendantistes, qui revenaient au village un soir, ont été assassinés par des militants anti-indépendantistes. Le lendemain, un homme de la tribu qui avait perdu deux de ses frères et huit amis, invitait toute la Calédonie à la discussion. Cet homme, c'était Jean-Marie Tjibaou, leader du FNLKS dans les années 80.
Félix, bien que triste, nous dit qu'il faut passer à autre chose, et que tous les Calédoniens doivent apprendre à vivre ensemble. A un an du référendum sur l'indépendance de la Calédonie, même ce bastion indépendantiste semble vouloir surtout la paix. Félix, nous indique aussi les tombes des 10 et celle de Jean-Marie qui se trouvent toutes dans le village. Charline nous apprendra, le soir, que Félix n'est pas le chef. Qu'il remplace celui-ci parti à un mariage à Lifou avec une grande partie du village.
Le lendemain, de retour d'une balade sur les hauteurs de Hienghène, nous nous arrêterons près de la rivière ou une quinzaine d'hommes creusaient trois pirogues dans des troncs d'arbre, mais surtout, nous stopperons aussi près des "vestiges" du massacre d'il y a 33 ans. Les deux camionnettes ont été laissées là, sur le bord de la route et sont devenues un lieu de "pèlerinage"
Nous avons beaucoup apprécié notre rencontre avec Charline et Félix avec qui nous avons partagé la douleur d'une vie, mais regrettons un peu de ne pas avoir pu plus partagé la vie en tribu en l'absence d'un grand nombre de ses représentants.